Aux sans-avenir

Publié le par Michel Debray

On veut nous persuader de rester tranquilles, de désavouer les actes derébellion qui, depuis quelques jours, éclatent partout dans le pays – et desouffrir patiemment, au nom de la logique de l’argent, toutes leshumiliations. On menace, si nous ne rentrons pas dans le rang, de nousinterdire la rue, de nous tabasser, de faire couler notre sang. Les dirigeantsde toute obédience, qui ne songent qu’à nous voir croupir à jamais dans laservitude et la misère, prétendent encore et toujours nous priver desrichesses immenses que notre classe, et elle seule, a produites. Comme unbétail trop prolifique, nous sommes voués par des technocrates et desrentiers à la précarité et au dénuement, aux maladies et à la décimation.Si nous avions à trancher maintenant s’il faut ou non se soulever, laprudence nous imposerait d’y réfléchir à deux fois, tant les moyens queconsacrent les hautes castes au maintien de l’ordre sont immenses, tant lesliens communautaires qui faisaient autrefois notre force se sont distendus –et tant la confusion des idées est savamment entretenue par les médias. Maisdès lors que le combat s’est déjà engagé, et qu’il s’est engagé àl’initiative d’un adversaire qui rêve de nous clouer le bec pour desgénérations, nous n’avons d’autre choix que de nous résoudre à la pluspiteuse, à la plus douloureuse des défaites ou de nous apprêter à redoublerd’audaces et d’exigences.Nous pouvons être certains qu’on fait déjà contre nous de nouveauxpréparatifs d’enfermement et d’exclusion. Mais ce n’est que par lepéril que l’on échappe au péril. Il faut donc employer la force quandl’occasion s’en présente, comme ne manquent jamais de le faire lespuissants qui nous traitent comme du purin – car, face aux dangers qui nousmenacent, il est plus dangereux de rester courbés et muets que d’essayerd’en venir à bout. Cette occasion, amenée par les vents capricieux del’histoire, ne la laissons pas s’envoler, si nous voulons enfin nousassurer une existence plus libre et plus heureuse. Les êtres qui désirentmais n’agissent pas engendrent la peste.Nous savons tous, au fond, que si le bien-être et les plaisirs nous sont àjamais interdits, que si l’ennui et la précarité façonnent notre destin,nous le devons à notre acceptation trop docile de l’ordre des choses. Seulsd’entre nous s’en « sortiront » les serviteurs les plus zélés : tantqu’il y aura du salariat, il n’y en aura jamais assez pour tout le monde,et la vie continuera d’être ce périple angoissé à travers un espacedûment surveillé, clos et bétonné, où s’entre-déchirent les pauvressous l’œil amusé des maîtres. Les employés fidèles ont le droit de subirla tyrannie des horaires et la tristesse des tâches morcelées, en échange derevenus toujours plus maigres. Les autres, chômeurs et précaires, sontplongés dans un dénuement plus grand encore, accablés d’injures, vivantd’aumônes et d’expédients, guettés par l’enfermement et le désespoirabsolu. Nous le sentons tous, une telle société ne mérite pas d’exister,et ceux que l’appât du gain ou le goût de la servitude incitent à ladéfendre doivent être balayés.Ceux qui fondent leur pouvoir sur la peur vivent eux-mêmes dans la crainte despopulations qu’ils dominent et exploitent. Les forces de répression dont ilsse sont dotés peuvent se disloquer aussi vite que, naguère, celles desdictatures bureaucratiques, – pourvu que la rue fasse pleinement sentir sapropre force. Nous devons donc éviter de les affronter là où l’ennemi nousattend avec toute la puissance de ses armes : ces cortèges-pièges, organiséspar les syndicats cogestionnaires et les récupérateurs politiques, dont laconnivence avec les prédateurs de l’économie n’est plus à démontrer.Occupons plutôt nos quartiers, nos entreprises, nos écoles. Assiégeons lesgens de pouvoir et d’argent en leurs bastions. Refusons de dialoguer avec cesexperts en fourberies et entamons sans tarder, entre nous, les vrais débats,ceux qui naissent des passions impatientes. La route des excès mène au palaisde la sagesse.MacYavellLe 19 octobre 2010<span> </span>AUX SANS-AVENIROn veut nous persuader de rester tranquilles, de désavouer les actes derébellion qui, depuis quelques jours, éclatent partout dans le pays – et desouffrir patiemment, au nom de la logique de l’argent, toutes leshumiliations. On menace, si nous ne rentrons pas dans le rang, de nousinterdire la rue, de nous tabasser, de faire couler notre sang. Les dirigeantsde toute obédience, qui ne songent qu’à nous voir croupir à jamais dans laservitude et la misère, prétendent encore et toujours nous priver desrichesses immenses que notre classe, et elle seule, a produites. Comme unbétail trop prolifique, nous sommes voués par des technocrates et desrentiers à la précarité et au dénuement, aux maladies et à la décimation.Si nous avions à trancher maintenant s’il faut ou non se soulever, laprudence nous imposerait d’y réfléchir à deux fois, tant les moyens queconsacrent les hautes castes au maintien de l’ordre sont immenses, tant lesliens communautaires qui faisaient autrefois notre force se sont distendus –et tant la confusion des idées est savamment entretenue par les médias. Maisdès lors que le combat s’est déjà engagé, et qu’il s’est engagé àl’initiative d’un adversaire qui rêve de nous clouer le bec pour desgénérations, nous n’avons d’autre choix que de nous résoudre à la pluspiteuse, à la plus douloureuse des défaites ou de nous apprêter à redoublerd’audaces et d’exigences.Nous pouvons être certains qu’on fait déjà contre nous de nouveauxpréparatifs d’enfermement et d’exclusion. Mais ce n’est que par lepéril que l’on échappe au péril. Il faut donc employer la force quandl’occasion s’en présente, comme ne manquent jamais de le faire lespuissants qui nous traitent comme du purin – car, face aux dangers qui nousmenacent, il est plus dangereux de rester courbés et muets que d’essayerd’en venir à bout. Cette occasion, amenée par les vents capricieux del’histoire, ne la laissons pas s’envoler, si nous voulons enfin nousassurer une existence plus libre et plus heureuse. Les êtres qui désirentmais n’agissent pas engendrent la peste.Nous savons tous, au fond, que si le bien-être et les plaisirs nous sont àjamais interdits, que si l’ennui et la précarité façonnent notre destin,nous le devons à notre acceptation trop docile de l’ordre des choses. Seulsd’entre nous s’en « sortiront » les serviteurs les plus zélés : tantqu’il y aura du salariat, il n’y en aura jamais assez pour tout le monde,et la vie continuera d’être ce périple angoissé à travers un espacedûment surveillé, clos et bétonné, où s’entre-déchirent les pauvressous l’œil amusé des maîtres. Les employés fidèles ont le droit de subirla tyrannie des horaires et la tristesse des tâches morcelées, en échange derevenus toujours plus maigres. Les autres, chômeurs et précaires, sontplongés dans un dénuement plus grand encore, accablés d’injures, vivantd’aumônes et d’expédients, guettés par l’enfermement et le désespoirabsolu. Nous le sentons tous, une telle société ne mérite pas d’exister,et ceux que l’appât du gain ou le goût de la servitude incitent à ladéfendre doivent être balayés.Ceux qui fondent leur pouvoir sur la peur vivent eux-mêmes dans la crainte despopulations qu’ils dominent et exploitent. Les forces de répression dont ilsse sont dotés peuvent se disloquer aussi vite que, naguère, celles desdictatures bureaucratiques, – pourvu que la rue fasse pleinement sentir sapropre force. Nous devons donc éviter de les affronter là où l’ennemi nousattend avec toute la puissance de ses armes : ces cortèges-pièges, organiséspar les syndicats cogestionnaires et les récupérateurs politiques, dont laconnivence avec les prédateurs de l’économie n’est plus à démontrer.Occupons plutôt nos quartiers, nos entreprises, nos écoles. Assiégeons lesgens de pouvoir et d’argent en leurs bastions. Refusons de dialoguer avec cesexperts en fourberies et entamons sans tarder, entre nous, les vrais débats,ceux qui naissent des passions impatientes. La route des excès mène au palais de la sagesse.

 

MacYavel

Le 19 octobre 2010

 

revolution.jpg

Publié dans Metteux d'fu

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article