No cagaran !

Publié le par Michel Debray

Un commentateur récent me fustige pour ma vulgarité.

 

Ce texte lui est dédié.

 

 

NO CAGARAN !

 

 

C’est un institut universitaire de formation des maîtres qui était jadis une Ecole normale d'instituteurs. Il était alors de bon ton, comme à la caserne, de rivaliser benoîtement dans de subtils concours de pets. Quel élève-maître n'a pas assisté au spectacle nocturne d'une chambrée rassemblée autour d'un obsédé des vertus supposées inflammables de ses propres vesses chargées de sulfures et tentant d'enflammer ses vents avec un briquet ou un bec Bunsen au risque de se griller les poils du cul ? Je faisais cependant partie de cette espèce délicate refusant opiniâtrement de communier dans la défécation martiale et communautaire. Mes selles exigeaient le confort de l'intimité agrémentée d'une bonne dose de lectures apportant au bonheur de chier l'épanouissement de l'esprit.

 

 

Las ! Entre temps, l'IUFM était devenu mixte. Les toilettes où s'échangeaient encore voici quelques lustres de gaillards propos scatologiques sont situées de part et d'autres d'un interminable couloir séparé sur sa longueur par une mince cloison. A droite, les hommes. A gauche, les femmes. Vous pénétrez dans l'édicule, vérifiez la propreté aléatoire du lieu, vous quantifiez d'un œil expert la présence souvent chiche du papier hygiénique que des générations infernales de factotums vous délivrent au petit matin en feuilles précautionneusement comptées comme si leur excès eût été fatal au bon équilibre de l'intendance, vous défaites votre veste et quérez en vain un crochet pour l'y pendre. Seul le bec de cane de la porte retardera l'issue fatale où votre habit glissera sur un sol souillé par on ne sait quelle sanie. Souvent un importun externe fait choir votre vêtement par la seule tentative de pénétrer dans votre réduit.

 

 

Enfin rassuré, vous posez votre séant sur la lunette du gogue. C'est alors que vous allez enfin soulager votre nerf vague comprimé par un météorisme contenu par des décennies de savoir-vivre au dépens de votre côlon que des pas assurément féminins se font entendre dans la cabine voisine. Des glissements furtifs de soie plus ou moins synthétique. Bientôt le chuintement aimable d'un urètre d'où jaillit l'onde entre l'anche double. des nymphes. Son caractéristique de la femme qui se soulage en sifflant du méat, très différent de la giclée masculine qui joue avec le fond de la cuvette, les bords de céramique et, accessoirement, la lunette de bakélite qu'on n'a évidemment pas su, voulu ou pu relever : signalons à nos compagnes que certaines lunettes ne peuvent ABSOLUMENT pas tenir verticalement nous obligeant ainsi à pisser dessus, voire carrément à côté si l'orifice de notre zob ensommeillé est encombré d'un poil qui partage entre deux filets d'urine obliques arrosant ainsi également les deux murs des cagoinces.

 

 

Le pissou d'à-côté glougloute dans la cuvette. Votre intestin se tord comme un reptile dans le feu. Des fulgurances vous traversent l'abdomen. Au diable la discrétion ! Tel Zeus sur son Olympe, vous faîtes retentir la foudre colique. Un fonnidable coup de tonnerre vous soulève d'un bon pouce, vous manquez fêler la faïence. Dans un dernier sursaut de bienséance, vous resserrez vos sphincters qui jouent alors autour du trou du cul une partition plus aiguë, filée, perlée, drolatique, immédiatement suivie par la propulsion vertigineuse d'un colombin de belle facture qui en tombant dans l'eau du bassin vous éclabousse le derche. Assurément cet étron-là ne flottera pas après le déversement d'un demi-mètre cube de flotte, signant ainsi votre passage d'herbivore impénitent et de mâchouilleur de fibres. Si votre alimentation est riche en hydrates de carbone et autres protéines de nanti, vous avez la fiente dense, lourde et lente, qui, bien mise sur orbite, peut passer d'un coup, directement, l'étroit goulet du siphon de la cuvette. Le reste après ne sera que broutilles.

 

 

Hélas, vous pouvez aussi souffrir d'une chiasse convulsive. Surtout dans un lUFM où les occasions de se liquéfier sont innombrables ! Votre anus tuméfié prend alors l'allure et la fonction d'une petite turbine qui, de son jet rotatif, littéralement, peinturlure la paroi de la cuvette du haut jusques en bas. Ici, pas de son et lumière mais son et odcur. Grand spectacle olfactif. Le Puy du Fou diarrhéique. Un tel désastre ne vient jamais seul. A peinc avez-vous fini d'user le décamètre de papier molletonneux qui ne va pas manquer de boucher tout le bastringue jusqu'à la cloaca maxima de la ville, à peine vous êtes-vous raboutonné dans les remugles que vous distilliez en loucedé que déjà une lave brûlante vous fouaille les boyaux et que vous devez vous laisser choir sur le trône de votre infortune.

 

 

Vous sortez en nage de votre marasme, persuadé de porter sur vous les fragrances abominables et vous croisez confus le regard de votre voisine d'aisance. C'est précisément la jolie stagiaire que vous aviez repérée dans le lot des emmerderesses que le hasard mit survotre chemin.

 

 

Le temps n'est pas si loin où chier relevait du miracle. Une cabane en planches se trouvait au fond d'un jardin boueux. Une envie pressante, absolument pas différable en raison de l'absorption massive de cerises coeurs-depigeon, vous obligeait à vous rendre nuitamment, avec une lampe de poche, dans cette antichambre de l'enfer. Merde à la louche jusqu'aux limites du siège percé, asticots, cloportes, araignées semblaient vouloir vous lécher l'oignon. Dans d'affreuses pestilences, vous preniez une posture qui vous éloignait le plus possible de l'abîme épouvantable. Juché sur les orteils, le fion en extension, vous tentiez de poser votre écot en vous tenant loin du gouffre. Se torcher avec des feuilles de papier-journal encore gras de l'encre folliculaire vous obligeait à lire par le cul. Etonnez-vous après d'avoir conservé des goûts de chiottes en littérature...

 

 

Voici des cabinets d'école fréquentés il y a moins de dix ans. Orientés plein nord. Au bas de la porte du genre western, un jour de vingt-cinq centimètres vous met les roubignoles en contact direct avec le blizzard. Vos testicules se réduisent à l'idée de noisettes. Votre postère se pose sur une lunette dont la température avoisine les moins dix degrés Celsius. Vous pensez remettre votre envie de chier à l'équinoxe de printemps. Tout irait bien si vous n'étiez pas au lendemain de l'Epiphanie. Vous avez abusé d'une frangipane un peu grasse. Dans ces instants-là, vous ressentez au plus profond de votre être la petitesse de votre condition. Oh ! Combien vous vous sentez mortel ! Votre pantalon a eu le temps de figer ses plis dans les frimas. Ici, point de chasse d'eau. Il y faudrait une trop grande consommation d'antigel. Le système consiste en une petite coupelle qui bouche le conduit et vous sépare du puisard audessus duquel vous êtres imprudemment assis. Sur le côté du siège, une manette vous permet de basculer le contenu fécal dans le cloaque. Ne faites jamais cela en demeurant toujours bêtement assis. Car la manette possède un ressort de rappel, lequel, relâché trop vite vous rcnvoie votre étron comme une catapulte et vous le tartine sur l'arrière-train. Ne vous penchez pas non plus, pour reluquer vos selles de trop près. Fatale curiosité. C'est alors votre plastron ou même vos lunettes qui risquent d'être souillés. Votre production peut être collante comme une belle argile. Dans ce cas, elle refusera de tomber là où elle doit. Veuillez mesurer ce que représente comme dépense énergétique le combat, par grand froid, contre une merde récalcitrante, armé en tout et pour tout d'une antique balayette de chiendent aux brins embrennés depuis la contre-offensive allemande dans les Ardennes. Le chiotte à manette diabolique est heurcusement en voie de disparition dans nos contrées mais certains maires, mus par un sadisme évident, en maintiennent certains en état, au prix de jongleries terribles avec leur opposition muniicipale, dans le seul but de conserver la haute main sur la santé intestinale des maîtresses d'école.

 

 

Si le nord peut réserver de glaciales excrétions, le sud vous offre les chiasses les plus torrides. D'abord, il y a les abricots juteux dont vous vous goinfrez, et le petit vin de la coopérative qui culotte le verre duralex de pourpre. Ce breuvage, peu trafiqué, l'est suffisamment pour assassiner la totalité de votre flore intestinale. Un soir de première, vous vous retrouvez dans les latrines d'un restaurant cathare qui n'ont pas été rénovées depuis le massacre de Montségur. Bas de plafond, proche de mur, l'exiguité des lieux vous oblige à chier en position foetale, en tenant votre veste d'alpaga entre les dents. Au moment de vous torcher, vous frisez le lumbago. La chaleur est étouffante. Le local est hermétique. C'est à peine si l'odeur de graillon de la proche cuisine vient concurrencer vos aigreurs intestines. Vous ruisselez. Vous saisisissez votre pochette pour vous éponger. Votre stylo Dupont plume-or 18 carats tombe dans la merde. Vous y allez bravement, les doigts en pince. Par miracle, un minuscule lavabo a failli vous fracasser l'occiput quand vous vous êtes brusquement relevé. Le robinet laisse couler un filet d'eau rare et rougeâtre où vous rincez votre outil de travail et vos doigts souillés.

 

 

Du savon ? Allons donc ! Il ne faut pas rêver... De quoi vous essuyer les mains? Vous venez d'achever le dernier rouleau de papier cul. Il faudra vous résoudre à utiliser la serpillère qui tient lieu d'essuie-mains. Ne pensez pas aux germes qui peuplent cette ignominie. Vous avez perdu trois kilos d'abricots vite digérés et un litre de transpiration. Vos vêtements vous collent à la peau. La brise du soir vous saisit aux reins. Avec un peu de chance, demain, vous n'aurez qu'une angine. Si la pièce est mal jouée, vous pourrez vous vanter d'avoir perdu l'occasion de rester devant la télé à regarder le Tour de France qui vous ennuie (j'allais dire : vous emmerde) depuis quarante ans.

 

 

Au chapitre des mésaventures merdatives, ajoutons la cuvette galbée de telle sorte que vous vous pissez irrémédiablement sur les godasses ; les goguenots à la turque dont le formidable mascaret de la chasse inonde tout sur son passage cyclonique et vous oblige à sauter au sec, alors que vous n'avez pas fini de vous reculotter ; la ceinture de robe de chambre qui trempouille dans le fond de la cuvette pendant que vous lisez le Journal de Jules Renard édité dans la collection Bouquins ; la fosse septique qui se gomme ou qui déborde parce que la famille se soigne aux antibiotiques qui anéantissent les levures salutaires ; les ouatères d'immeubles qui jouent aux vases communiquants, de préfèrércncc les jours d'orage ; le papier-cul qui refuse de sortir de sa boîte, celui qui s'entête à y rester ; le papier toilette triple épaisseur qui ne se délite jamais, celui de la finesse d'un demi-micron qui se défait dans vos doigts et vous aurez compris quel crédit on peut accorder à une civilisation qui méprise à ce point le trou de balle et ses déjections.

 

 

Michel DEBRAY - 1997

 

Publié dans Clavardages

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
<br /> Bel enculage ( de mouche..... à merde ?)<br /> J'ai ri jusqu'à la fin en me disant : quelle écriture - même si cela n'est qu'un exercice de style.<br /> mais le dit censeur se trompe. Grossier certes tu peux l'être, vulgaire ? Je ne le pense pas.<br /> <br /> <br />
Répondre